Nous devions avoir quinze ans
Petits délinquants, amusés,
À qui la vie souriait bêtement
Ces quotidiens sans fin
Ce temps qui nous confine
Ce passé qui nous déserte
Le monde pleut et se pleure
Avec pour seule destinée
Qu’un obscur désenchantement
L’humanité en déshérence …
Accablée de servitude
Angoissée par sa finitude
Partons en déroute, bel ami
Marions nos tendres chimères
Rallumons enfin nos vies
La prophétie nous a trouvés
Au nord du nord, sonne le tocsin
La nuit sera grande et longue
Sous les incantations du divin
Les fleuves taciturnes se réveillent
Révélant de troubles entrailles
Mélopée lugubre des crues
Brumes de fjords, tonnerres de Thor
Cornes de détresse, muettes … noyées
Toi, mon miroir, mon autre moi
Ton reflet brisé, délaissé
Ton désarroi … mon triste roi
Et meutes de loups agités,
Sur les dunes, hurlant à la lune
Voient effarés venir l’horreur …
Et femmes de labeur, étourdies
De grogs, de smogs, et d’amnésies
N’entendent ni drame, ni douleur
Et les hommes trop abattus
De leurs duels têtus
N’attendent plus leurs saluts
J’ai tout donné, rien laissé
Ce qui m’était beau et léger
Lourds et tristes sanglots
Aux portails d’entêtés dormeurs
Rêvant d’ailleurs et d’autrefois
Le vent frappe et frappe obstinément
Dévalant monts et collines
Vagues d’aigles et de géants
Débusquent la moindre pâture
Spectres de naufragés sans échine
Se déversent dans l’obscurité
Pour s’enflammer, nous consumer
La vie, cette déloyale amie …
Qu’a-t-elle fait de toi, de moi
Pourquoi nous avoir délaissés …
Subitement, un funeste vacarme
Engloutis de leurs passions
Adulation et convoitises
Les illusions démasquées
Sont broyées d’éclairs d’effrois
D’une éblouissante noirceur
Les rochers fracassent le vide
De belles et futiles vérités
La mort dira le dernier mot
Mes rêves s’éteignent doucement
Viens … je suis sans histoire
Je ne demande qu’à vivre
Les cris se font lointains
Les églises n’ont pas résisté
Le paradis n’a jamais existé
Des terres inondées, vivantes
Délestées du poids des croyances
A l’azur épuré des océans
A la neige d’été, songe d’hiver
Aux virus tombés avec nous
A l’aube d’une nouvelle ère
Aux confins de mon destin
Tout au fond de la déraison
S’échouera mon aura fanée
Au nord, les âmes purifiées
En fugaces aurores boréales
Flottent sur flots de frissons
Elles vivent de ne pas mourir
Et tel le temps qui à l’instant trépasse
Placides, se meurent de vivre