« L’existence était vide, alors nous l’avons squattée. »
Paroles d’arrière garde,
Par le Groupe Anathème
Tracer un chemin
Une cartographie
Bruxelles,
La joie,
L’ivresse,
La drogue,
Le temps qui passe, sape, abolit tout ;
Amours, amitiés.
L’éclatement de la bande adolescente,
Les illusions perdues.
La fête qui célébrait d’abord la vie, puis, qui consacra la mort.
Changer à mesure que change sa ville,
Bruxelles, tant aimée. Bruxelles tant honnie
Laisser à mesure que la capitale devient ville-monde le monde devenir en soi
Voir apparaître la vie nue, froide et éclatante
Tragique intégré.
Rechercher le tragique dans la dionysie,
Le vouloir
Le Poursuivre
Le désirer avec rage
Squatter l’existence par effraction.
Fuir et trouver le chemin le plus sûr pour rencontrer encore
La tragédie.
Les émeutes.
Les squats
La Z.A.D.
Grimper tout en haut des arbres pour atteindre les cimes de l’illégal
Vivre l’histoire comme on boit un alcool.
Se noyer dans l’illusion que tout est possible
Que tout est souhaitable
Sinon la pauvreté des études, du travail,
De l’absence
À soi,
Aux choses,
Aux êtres,
Aux situations.
Brandir vers le ciel deux poings de suspensions
Pour réclamer la guerre,
la guerre totale et poétique.
ici et maintenant
réaliser la poésie.
Même si la guerre arrive toujours trop tard.
Même si les vieilles idoles révolutionnaires finissent en séries
sur des icônes produites en série.
Même si tout se tait.
Réclamer la guerre, totale et poétique contre l’existant
Ici et maintenant.
Faire un bout de chemin ensemble
Retrouver la passion de nous retrouver.
Réaliser la poésie.
Suivre un tel chemin
Continuer de tracer à travers bois des sentiers vers autre chose.
Dépasser la philosophie
Réaliser la poésie
voir « très franchement une mosquée à la place d’une usine, une école de tambours faite par des anges, des calèches sur les routes du ciel, un salon au fond d’un lac, les monstres, les mystères » etc.
s’habituer « à l’hallucination. »
Vivre la poésie donc.
Vivre la poésie cela peut tout aussi bien vouloir dire
Écrire des vers
Placarder des pamphlets en ville
Les voir s’effacer
Les placarder encore
Vivre la poésie
Cela peut tout aussi bien vouloir dire
Commettre anonymement des chroniques à la radio
Des chroniques sans époque
Et les voir s’en aller comme des bouteilles
Jetées à la mer des ondes
Les voir disparaître et pénétrer les cerveaux
Jeter une bouteille encore
Vivre la poésie
Cela peut tout aussi bien vouloir dire
Organiser des soirées qui ne soient pas
QUE FESTIVES
Organiser des fêtes comme on organise
DES MANIFESTATIONS SAUVAGES
Vivre la poésie
Cela peut tout aussi bien vouloir dire
Commettre des expéditions punitives contre ses ennemis
Contre la tiédeur
Réchauffer l’existence
À haine et à plaisir
Par l’exercice criminel d’une subjectivité
TERRORISTE
Vivre la poésie
Cela peut tout aussi bien vouloir dire
Commettre des émeutes avec au visage
L’anonymat de Lautréamont
Vivre la poésie
Serait alors MULTIPLIER LES SUPPORTS
POUR QU’ILS NE SOIENT JUSTEMENT
PLUS DES SUPPORTS
Vivre la poésie
Cela peut tout aussi bien vouloir dire
Publier les mêmes textes dans différents journaux
Voler la propriété intellectuelle d’autrui
Car la propriété c’est le vol
Vivre la poésie cela peut tout aussi bien vouloir dire
Saboter les chantiers dont les machines
Massacrent le chant des oiseaux
Vivre la poésie cela peut tout aussi bien vouloir dire
Se battre dans la rue, sans raison
À passion pleine
Avec un inconnu
Jeter l’ANATHÈME SUR L’ABSENCE
ET FAIRE FRONT POUR LA LIBÉRATION DE LA VIE
FAIRE FRONT
LARMES AUX POINGS
ARMES AUX POINTS
Jeter les mots comme on jette un pavé
Tuer
Tuer
tuer encore
MAIS AVEC STYLE
Vivre la poésie
Cela peut tout aussi bien vouloir dire
Mettre en scène un suicide raté
S’enfuir
S’enfuir
S’enfuir encore
Et revenir chuchoter à l’oreille des émeutiers
Des projets de coup d’état
Vivre la poésie
Cela peut tout aussi bien vouloir dire
SE VAUTRER DANS LE PARADOXE
LE NIHILISME REVENDICATIF
N’avoir pour seule tyrannie
Que le despotisme de l’indéterminé
Le plaisir de la contamination
Retrouver les sentiers de la conspiration
Revendiquer
Le meurtre de la littérature comme séparée de la vie
de la politique
de la philosophie
Revendiquer l’indistinction du réel et du virtuel.
L’avènement de la poésie abolira la nécessité du poète.
Cette catégorie surannée et prétentieuse alors s’effacera.
La poésie elle-même, sera diluée dans l’existant.
Comme une œuvre fait monde.
Comme une fête se transforme en manifestation sauvage.
Comme on arrive au dérèglement de toute essence.
Vivre la poésie.